Programme d’autonomie des anciens combattants : Au nom de la liberté et de la dignité

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ILLUSTRATION : STEPHEN SNIDER

Le vétéran de la Seconde Guerre mon­diale Phil Bradbury âgé de 85 ans de Toronto, a été surpris d’apprendre qu’il a été porté disparu dans la vie civile pendant vingt ans à peu près.

Anciens combattants Canada cherche les anciens combattants qui, comme Bradbury, ont droit à des avantages, dans le cadre du Programme d’autonomie des anciens combattants, mais ne les reçoivent pas. Le PAAC sert les anciens combattants à vivre de manière autonome aussi longtemps que possible, grâce au soutien à domicile comme le ménage, le déblaiement des allées, la cuisine et le bain, ainsi que l’adaptation de la résidence et les services de soutien sanitaires.

Bradbury a fait partie d’une équipe de bombardier qui a participé à 34 missions à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les sept membres de l’équipe ont survécu à la guerre, mais pas indemnes. « J’ai été blessé plusieurs fois. » Cinq de leurs avions ont été détruits et ont tout juste réussi à retourner à la base. Ils ont fait deux atterrissages en catastrophe et l’équipe au complet a dû être envoyée en congé pour raison médicale. Il a été blessé à la tête et au dos et, une fois, on l’a sorti, inconscient, d’un avion en flammes. À son retour à la vie civile, au début, il lui arrivait de perdre connaissance au travail, à cause de ses blessures et son état de santé a empiré, ce qui est normal quand on vieillit.

Il a reçu une pension d’ACC, pour perte de l’ouïe reliée au service et d’autres blessures, pendant plus de cinquante ans. Il a pris sa retraite à la fin des années 1980. « Financièrement, je n’ai jamais souffert. Sinon, j’aurais peut-être essayé. »

C’est à cause d’un ennui d’argent qu’il a découvert le PAAC. Ses médecins l’ont fait changer d’un médicament pour le cœur, qui avait des effets secon­daires, à un autre qui coutait plus cher et que le régime d’assurance santé de l’Ontario ne couvre pas. Bradbury s’est plaint à son beau-frère, vétéran de la guerre de Corée, qui reçoit des prestations du PAAC et qui lui a parlé des avantages du programme.

Phil Bradbury a survécu à 34 missions de bombardement durant la Seconde Guerre mondiale. Les blessures de guerre empirent les ennuis de santé de la vieillesse.  [PHOTO : PHIL BRADBURY]

Phil Bradbury a survécu à 34 missions de bombardement durant la Seconde Guerre mondiale. Les blessures de guerre empirent les ennuis de santé de la vieillesse.
PHOTO : PHIL BRADBURY

Bradbury a immédiatement fait une demande. Un gestionnaire de cas est allé les visiter, son épouse Bernice et lui, il y a environ un an, pour voir s’il avait droit au PAAC. Anciens combattants Canada s’est mis à s’occuper de la facture du médicament tout de suite et il apprit qu’il avait droit à encore plus d’avantages, comme un déambulateur et des soins chiropratiques. On l’informa des avantages du PAAC, dont ceux qui se poursuivraient pour Bernice. « C’est extra », dit-il.

Bien que le programme serve en partie à remercier les anciens combattants et leur famille, ce n’est pas par sentiment qu’Anciens combattants Canada essaie de joindre les anciens combattants et leurs soignants qui y ont droit mais qui n’en profitent pas, mais bien pour des raisons économiques. Beaucoup d’entre eux peuvent vivre chez eux, de manière autonome, avec un peu d’aide, ce qui les fait retarder, peut-être à jamais, le jour où ils devront aller aux soins de longue durée. On a besoin de moins de dollars pour les assister chez eux qu’en leur donnant les mêmes services dans un établissement, et il y a ainsi moins d’établissements à cons­truire et à entretenir.

« À l’hôpital Sunnybrook, chaque place coute 100 000 $ environ pour les anciens combattants qui y habitent », dit le mi­nistre des anciens combattants Greg Thompson au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes lors d’une audience en mars. « Le fait est que l’ancien combattant pourrait rester chez lui moyennant des frais nettement moins importants pour le gouvernement du Canada et profiter de ces quelques années chez lui, plutôt que dans un établissement. »

Il y a 103 119 vétérans des guerres et des Forces cana­diennes et de soignants qui reçoivent actuellement des avantages du PAAC, mais il y en a probablement des dizaines de milliers qui ont droit à des avantages, estime Rob Anders, président du Comité permanent des anciens combattants. « Nous reconnaissons qu’il s’agit d’une génération de gens […] qui croient que s’ils peuvent tout faire, c’est ainsi que ça devrait se passer », dit Anders. « Mais nous ne voulons pas qu’ils souffrent indument à cause de ça (ou) qu’ils finissent par se faire admettre dans un établissement de soins de longue durée avant d’en avoir vraiment besoin. »

Le PAAC a eu tant de succès que la Légion royale canadienne préconise non seulement qu’il soit offert aux quelque 600 000 anciens combattants canadiens qui en ont besoin, mais qu’un programme d’autonomie pour ainés soit offert aussi à tous les ainés cana­diens. En fait, les provinces le prennent comme modèle pour restructurer leurs propres programmes de soins de santé, pour réaliser des économies, en prévision du ballonnement dû à l’évolution des enfants de l’après-guerre dans leurs systèmes.

« Il y a des preuves […] les couts sont habituellement inférieurs de 40 à 70 p. 100 », quand on substitue des soins de santé à domicile aux services semblables dans les établissements, dit Marcus Hollander, économiste de la santé et président de Hollander Analytical Services, une société de recherches de soins de santé de Victoria.

Une partie des preuves provient d’une « expérience naturelle » en Colombie-Britannique qui a démontré les économies obtenues grâce à des programmes comme le PAAC. Au milieu des années 1980, les services de soins à domicile ont été substitués aux soins institutionnels. Dix ans après, on utilisait 9 993 places de longue durée de moins : une économie annuelle d’environ 150 millions de dollars en Colombie-Britannique, dit Hollander. Le fait que « 90 p. 100 de la prestation des services » dans un établissement en sont de soutien, non pas professionnels, est une des raisons principales. Il a appris que les couts annuels au gouvernement, pour les gens ayant  besoin de soins mo­dérés, sont de 9 624 $ à domicile et de 25 742 $ dans un éta­blissement. À l’échelon supérieur, les couts étaient de 34 859 $ à domicile et 44 233 $ en établissement.

La Colombie-Britannique a aussi appris ce qui arrive aux couts de soins de santé quand même les services à domicile de base sont interrompus lorsque, au milieu des années 1990, certaines régions devant se serrer la ceinture ont discontinué les services d’entretien du ménage. Au bout de trois ans, on a appris que chaque client ayant perdu ce service minimal avait fait augmenter les couts de soins de courte et de longue durées de 3 200 $ par année.

Si on enlève les services de soutien, dit Hollander, la santé décline plus vite et les ainés vont aux soins de longue durée plus vite. « À long terme, un investissement très modeste peut avoir de gros résultats », dit-il. Mais « le point crucial, c’est que les décideurs ne le comprennent pas ». À la place, les soins et les budgets sont fragmentés, les couts des soins à domicile viennent souvent du budget des services sociaux. Même quand on consi­dère qu’ils font partie du continuum des soins de longue durée, les services de soins à domicile sont souvent sacrifiés lorsqu’on désire faire des économies.

Mais on peut les éduquer, les décideurs. Quand on leur montre qu’il est possible d’économiser 30 millions de dollars par année en faisant passer les services, pour 1 121 ainés, des soins de longue durée aux soins à domicile, « l’attention de notre gouvernement a vraiment été polarisée », dit Kathy Greenwood, directrice du soutien aux services et opérations de la direction générale des soins prolongés du minis­tère de la Santé de la Nouvelle-Écosse.

En conséquence, on a accepté un plan stratégique de 10 ans, lequel en est à la troisième année, pour la création d’un système viable comprenant des soins à domicile dans le continuum des ser-v­ices. « Nous avons longtemps parlé à Anciens combattants Canada à propos de son succès (concernant le PAAC). » Bien que la province ait actuellement un programme de soins à domicile pour ses propres citoyens, dont les services dépendent d’une échelle de revenus, il ne comprend pas encore certains des éléments du PAAC. Par exemple, dit-elle, il y a l’entretien du terrain, un service clé qui sert à permettre aux ainés à rester chez eux quand ils ne peuvent plus tondre le gazon ou pelleter la neige.

Alors si les programmes de soins à domicile servent à faire des économies à long terme, pourquoi le PAAC n’est-il pas offert à tous les anciens combattants qui en ont besoin? C’est que les décideurs doivent faire la part des choses par rapport aux économies à long terme et aux fonds qu’ils ont actuellement. « Il faut y investir », dit Darragh Mogan, directeur général de la Direction générale des politiques en matière de programmes et de services, des Services aux anciens combattants, à Charlottetown. Et « les gouvernements doivent penser aux autres investissements en ce qui concerne les routes et les écoles, et le développement économique; il s’agit d’équilibrer tout ce qu’on considère ».

« Il y a là beaucoup d’autres groupes et besoins », dit Anders. « Soyez sûrs que nous mettons davantage là-dessus et que ce n’est qu’une question de distribuer les ressources parmi les besoins. » Le budget des affaires des anciens combattants a 545 millions de dollars de plus qu’en 2005–2006, ce qui l’amène à environ 3,4 milliards de dollars.

Mais les politiciens se soucient aussi de « ramasser d’autres gens, donc d’augmenter les couts globaux, » dit Mogan.

Mais le cout de l’expansion du programme est surestimé à Anciens combattants, dit Pierre Allard, directeur du Bureau national d’entraide de la Légion royale canadienne, qui aide les anciens combattants à faire des demandes d’avantages d’invalidité et du PAAC. Il donne comme exemple une augmentation, en 2003, des avantages aux veuves, qui n’y avaient eu droit que pendant un an après le décès du mari ancien combattant. ACC estimait que cela couterait 243 millions de dollars pour élargir les avantages d’entretien du ménage et du terrain aux soignants primaires survivants jusqu’en 1981 et les augmenter, d’un an, à des avantages à vie. Le 31 mars 2008, 72 millions de dollars avaient été dépensés en réta­blissements et 80,5 millions en prolongement à vie. « On voit une tendance où le gouvernement surestime conti­nuellement le cout des améliorations au PAAC », dit Allard.

« Il essaie de déterminer toutes les personnes qui y ont droit qui vont se présenter, alors qu’en fait il n’y en a qu’un pourcentage qui le font », dit-il. À ACC, on s’attendait à ce qu’environ 21 900 survivants fassent une demande de rétablissement, mais 12 400 l’ont fait en 2005–2006 : à peu près 57 p. 100 de ceux qui y avaient droit, mais on essaie d’en enrôler davantage.

Ceux qui se présentent ne prennent pas toujours tous les avantages auxquels ils ont droit, dit Allard. C’est là ce que disent souvent les récipiendaires du PAAC que nous avons interviewés.

ACC offrait des avantages, dont le nursage, à William et Clare Kobes de Calgary, mais ils les ont refusés. « Je pouvais m’occuper de lui », dit Clare. « Nous avions fait des économies et il y avait des gens qui en avaient plus besoin que nous. »

« Il y a beaucoup de choses auxquelles j’ai droit que je ne demande pas parce que je suis assez à l’aise », dit Bradbury. « Je ne suis pas riche, mais je me débrouille. »

Certains récipiendaires du PAAC n’acceptent pas le maximum permis pour un service. « Ils voulaient envoyer quelqu’un quatre fois par semaine », pour faire le ménage, dit George Henderson Armet de Montréal, « mais une fois par semaine suffit ». Il y en a encore d’autres qui attendent jusqu’à ce qu’ils en aient très besoin. Le PAAC a offert à Bradbury un fauteuil qui se penche, pour l’aider à se lever mais il n’en a pas encore besoin.

La Légion exhorte les politiciens à ne pas oublier nos obligations envers les anciens combattants et leur famille, en décidant de quelle manière dépenser. « Nous ne devrions pas oublier toutes les promesses que nous avons faites aux anciens combattants : de nous occuper d’eux et de leur famille s’ils ne revenaient pas ou s’ils ne pouvaient pas s’en occuper eux-mêmes », dit Allard. « Il s’agit simplement d’un élément de confiance. »

« Vu les constatations récentes comme quoi les déploiements stressants peuvent avoir des effets sur la santé, à long terme, il est très important que le Canada tienne sa promesse d’offrir des soins aux anciens combattants », dit le Conseil consultatif de gérontologie dans son rapport de 2006 intitulé Parole d’honneur — L’avenir des prestations de santé pour les anciens combattants du Canada. Il y suggère d’amalgamer les programmes sociaux et de santé d’ACC pour créer les Services intégrés aux anciens combattants, un conti­nuum de soins dépendant des besoins et grâce auquel bon nombre de plaintes concernant le PAAC et d’autres programmes d’ACC disparaitraient.

Les pires plaintes sur le PAAC concernent l’inadmissibilité et la complexité des processus d’admissibilité et de demande. La Légion, entre autres, recommande l’extension du PAAC à tous les anciens combattants frêles, anciens alliés, veuves, soignants et membres et vétérans de la GRC. « Toutes les veuves devraient être acceptées dans le PAAC, quels que soient leurs revenus », dit Joyce Carter, une dame de 81 ans du Cap Breton. « Elles ont toutes fait des pieds et des mains pour s’occuper de leur mari, pendant des années, après qu’ils ont quitté les forces. S’ils n’étaient pas blessés, ils étaient tout au moins traumatisés par ce qu’ils avaient vu.  »

Le manque de fonds n’est pas une raison, dit cette militante des droits au PAAC pour les veuves.  « Le gouvernement trouve l’argent pour des choses moins importantes et ils le font sans débats ou révision. » Quand son époux Murdock est mort, en 2000, après 55 ans de mariage, les règles permettaient aux survivants de recevoir les avantages pendant un an. Quand ils étaient interrompus, beaucoup de récipien­daires se retrouvaient dans de mauvais draps.

« Je m’en suis trouvée accablée, dit-elle. On est sans ressources. » Alors elle s’est mise à faire campagne pour que les veuves d’anciens combattants qui y avaient droit obtiennent les avantages à vie, ce qui est arrivé en 2003. Elle continue de faire pression pour les avantages aux veuves.

Michael Hill d’Orangeville (Ont.) fait pression de la part des anciens alliés de guerre au Canada qui ont perdu leur droit au PAAC en 1995. « C’est une question de principe, dit-il. Ils se sont battus du bon côté. C’est très important pour ces gars d’essayer de rester chez eux. » Et pour le gouvernement « c’est une bagatelle. C’est une disposition crépusculaire, car ils meurent rapidement. C’est la pire des injustices d’essayer d’économiser une couple de dollars sur des gens à qui on doit tant. »

L’ancien allié de guerre Bill Edge de 85 ans s’est senti froissé quand ses avantages ont été interrompus. « Je me sens comme un citoyen de deuxième classe dans un pays de première classe. »

Il a servi dans le Royal Corps of Signals à la Seconde Guerre mondiale et a déménagé au Canada au début des années 1950. Quand il a pris sa retraite, en 1988, on lui a remis une carte où il était indiqué qu’il avait droit au PAAC. « Je n’ai même pas eu l’occasion de m’en servir » avant 1995, année où les anciens alliés de guerre ont perdu leur droit. Ce qui le navre c’est qu’il « avait reçu une lettre où on lui disait (qu’il y avait) droit suite à une clause grand-père. Ça fait 66 ans que je suis au Canada. Le jour J, j’étais sur les plages; je me suis battu en France et en Allemagne. J’ai même combattu avec les Forces canadiennes » dans une armée internationale que dirigeait un général canadien et qui se composait d’une division de Polonais, deux de Britanniques, deux de Canadiens et deux d’Américains. « On se battait sous le même drapeau. »

Son revenu s’élève à environ 2 200 $ par mois et il en débourse presque un dixième pour des médicaments contre le cancer prostatique, qui ne sont pas couverts par l’Assurance-santé de l’Ontario. Il a de plus en plus de difficultés à rester chez lui. « Je vais mourir ici, quitte à y laisser ma vie », dit-il.

Modérer les critères d’ayant droit assurerait à tous les anciens combattants frêles l’obtention des avantages du PAAC, ainsi que d’autres avantages quand ils en ont besoin. « Parmi les insuffisances principales : les prestations de traitement du PAAC ne sont offertes qu’à une petite partie des anciens combattants », est-il dit dans le rapport du CCG. Il y estime que 70 000 anciens combattants ne touchent pas de prestations de traitement ou du PAAC, qu’ils y aient droit ou non.

De dire Allard, la Légion se soucie beaucoup des anciens combattants frêles, qui ne peuvent guère se battre pour leurs propres avantages. « Le point crucial du problème c’est que l’accès s’obtient principalement par le droit aux avantages d’invalidité. » Mais il y a beaucoup d’anciens combattants qui n’ont pas d’affection donnant droit à une pension reliée au service militaire, même s’ils en ont plusieurs qui ensemble les rendent frêles. Quelque 40 pour cent d’entre eux souffrent aussi de démence.

Même Thompson, dans son témoi­gnage devant le Sous-comité des anciens combattants, en mars, disait que ce n’est pas logique du tout que « certains anciens combattants n’aient pas droit au programme le plus économique et efficace que nous ayons, le PAAC, parce qu’ils n’ont pas de maladie donnant droit à une pension », mais qu’ils aient droit aux soins de longue durée qui sont plus dispendieux.

« Nous avons modifié certaines […] règles internes pour étendre le PAAC à certains de ces anciens combattants aux derniers stades de leur vie qui normalement n’y auraient pas droit », dit Thompson au comité.

Il y a plusieurs manières de donner les avantages du PAAC aux anciens combattants frêles qui n’y auraient pas droit autrement, dit Mogan. Il y a un programme qui offre les soins à domicile aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale et à ceux de la guerre de Corée, avec les soins infirmiers aussi, en attendant une place à long terme. « On savait qu’il allait falloir environ 20 000 places pour soins à long terme de plus. » En 1999, les avantages du PAAC ont été offerts aux gens qui attendaient les soins à long terme, chez eux. Quand les places sont devenu disponibles, « 95 p. 100 ont dit préférer rester chez eux », avec les soins à domicile. Le lancement officiel du programme a eu lieu en 2003.

Quant aux anciens combattants frêles qui n’ont pas droit au PAAC, ou qui sont sur une liste d’attente : « si un ancien combattant recevait un crédit d’impôt civil (pour invalidité) et s’il était frêle aussi, les deux ensemble satisferaient aux conditions du PAAC », dit Mogan. Revenu Canada couvre la cécité, la thérapie de survie, la déficience pendant plus d’un an qui empêche de parler, d’entendre, de marcher, d’utiliser les toilettes, de se nourrir, de s’habiller tout seul, ou d’accomplir les fonctions mentales nécessaires à la vie de tous les jours. « Entre 10 et 15 p. 100 des gens de plus 80 ans souffrent de quelque sorte de fragilité qui, selon les définitions à Revenu Canada, donne droit à un crédit d’impôt d’invalidité et nous nous servons de ces critères, avec quelques modifications », dit Mogan.

« Ce n’est pas parfait; ne nous méprenons pas », dit Mogan, et il ajoute « nous utilisons une interprétation généreuse de l’autorité actuelle » pour inclure autant d’anciens combattants frêles que possible.

C’est peut-être la pratique, dit Allard mais « ce n’est pas la politique ». Il y a des gens qui ne le savent pas et cela engendre un manque d’uniformisation, ce qui risque de donner lieu aux « histoires d’épouvante » dont doivent s’occuper Allard et les officiers d’entraide du bureau des services, où les avantages sont accordés et puis, après un certain temps, revus et annulés. « Il y a un pro­blème si ce n’est pas écrit. »

Et il y a encore des anciens combattants dans le besoin qui n’y ont pas droit. Il y a un ancien combattant, à qui on avait refusé le PAAC, qui « avait 89 ans et son épouse a eu besoin de soins pour malade chronique », dit l’agente des services de la Direction du Québec Debra Viskelis. « Il a demandé l’entretien du domicile de base et on le lui a refusé ». Sa santé s’est détériorée, alors on a jugé, dans le cadre du système de santé provincial, qu’il avait besoin de soins pour malade chronique. Il a ensuite eu gain de cause lors de son appel au PAAC parce qu’il a maintenant des faiblesses multiples. Est-ce qu’il serait resté en santé si on lui avait accordé le PAAC avant? « Qui sait? dit Viskelis. Mais l’entretien du domicile et du terrain ne coute même pas 3 000 $ par année; les soins pour malade chronique peuvent couter des milliers de dollars par mois. »

Les critères pour ayant droit et le processus de demande du PAAC, des soins de longue durée et des avantages de traitement sont « très, très compliqués », dit Allard. Il dit que c’est en partie parce que les programmes ont évolué au fil du temps et qu’ACC « essayait d’être plus généreux » en ajoutant des avantages et des catégories pour que davantage de personnes puissent y avoir droit.

La recommandation du CCG concernant les services intégrés simplifierait l’admissibilité et les processus de demande en n’ayant qu’un seul point d’entrée et elle engendrerait un conti­nuum de soins basés sur les besoins où une personne aurait la tâche de guider les demandeurs à travers le système.

« D’après moi, le PAAC est un programme excellent », dit Hollander. C’est « probablement le seul programme de soins à domicile qui ait encore une fonction claire d’entretien et de prévention ». Cependant, « pour qu’il réalise pleinement son potentiel, je pense qu’il doit être incorporé à un système de soins intégré » qui favorise « le genre de compromis qui permettent la prestation de bons soins et les économies ».

De tels changements enrichiraient ce programme qui est déjà très réussi. « En règle générale, le PAAC fonctionne bien », dit Allard.

Chaque ancien combattant bénéfi­ciaire du PAAC que nous avons interviewé s’est dit reconnaissant des avantages qu’il reçoit. Beaucoup disent que sans avantages, ils auraient des embarras financiers.

Pour ceux dont les revenus sont insuffisants, attendre de se faire rembourser un service qu’ils ont payé est une épreuve. Carter dit qu’elle connait des veuves au seuil de la pauvreté qui, en attendant qu’on les rembourse, ont mis un terme aux services d’entretien du foyer parce qu’elles ne peuvent pas se permettre de les payer sans remboursement régulier. « Elles ont toutes du mal à joindre les deux bouts, dit-elle. C’est une lutte affreuse. »

Certaines se plaignent de la complication du processus de demande. « Même moi, je trouve ça compliqué », dit un adulte qui remplit des formulaires pour son père aveugle et qui doit obtenir des copies de fiche de rendez-vous et de la signature d’un médecin pour qu’on les rembourse. Son père paie 300 $ par mois pour l’entretien de son logis et des soins personnels et il reçoit 1 400 $ par année pour le taxi à des manifestations mondaines. Vu que les versements ont un plafond, « le gouvernement devrait faire confiance aux anciens combattants davantage; ils n’ont pas l’intention d’escroquer le système ».

« Des fois, j’ai l’impression que ce sont les comptables qui ont la charge de ce programme », dit Viskelis.

Certains disent qu’il faudrait faire preuve de plus de délicatesse avec les anciens combattants âgés. « On se fait traiter comme un numéro. Ou un mendiant », dit un ancien combattant de 86 ans. Enfin, c’est peut-être le prix de l’équité, car ACC veut s’assurer que c’est l’ancien combattant qui obtient les avantages, qu’il n’est pas victime de mauvais traitements.

Plusieurs disent que les communications pourraient être améliorées. « Tous les anciens combattants devraient être avisés, sans exception, de ce à quoi ils ont droit », dit un ancien combattant montréalais. Bien que les préalables pour l’admissibilité et les modifications aux programmes soient publiés au site de la toile d’ACC et dans le trimestriel d’ACC Salut! la clientèle cible ne les lit peut-être pas, dit Viskelis. Allard remarque que les médias de masse n’annoncent pas suffisamment les avantages. Le rapport du comité permanent conseillait à ACC de faire plus pour joindre les anciens combattants ruraux et les aborigènes, et qu’il devrait profiter des presque 1 500 filiales de la Légion pour communiquer avec les anciens combattants éloignés.

La Légion se fait un plaisir de les aider, à tous points de vue : qu’il s’agisse d’aider les anciens combattants à faire une demande à un programme ou d’aider ACC à mettre au point ses programmes. Les anciens combattants ne sont pas obligés d’être membres de la Légion pour demander de l’aide, à n’importe quelle filiale de la Légion.

« Le PAAC est un programme extra », dit Allard. « Il permet aux gens de rester chez eux et c’est ce qu’ils veulent. Il leur donne un certain confort pour leurs vieux jours. Il y a des éléments du PAAC qui devraient être étudiés et copiés à travers le pays », dit-il, même si ce ne serait pas du tout facile de mener à bien un programme national d’autonomie pour ainés dans la démarche fragmentée du Canada en matière de santé. « Y a-t-il une solution simple? » demande-t-il. « Probablement pas; mais c’est un programme très, très bon, alors on voudrait qu’il existe partout au pays. »

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